La relance incertaine du nucléaire en France

La relance du nucléaire en question

Cela paraît contre-intuitif : alors que l’avant-projet de loi sur la « souveraineté énergétique » de la France, qui sera présenté en Conseil des ministres dans moins d’un mois, repose sur une relance du nucléaire et met de côté les objectifs de déploiement du solaire et de l’éolien, le parc atomique devrait bientôt décliner au profit des renouvelables. Et ce, même si 14 EPR2, ces réacteurs de troisième génération sur lesquels mise l’exécutif, voyaient le jour d’ici à 2050 comme le souhaite la ministre de la Transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher. À moins que le gouvernement ne décide finalement d’en construire encore davantage, afin de remplacer le parc historique. Dans un entretien accordé ce week-end à La Tribune Dimanche, Agnès Pannier-Runacher n’a en tout cas pas fermé la porte à une telle option, en affirmant qu’aller au-delà de 14 EPR était « un bon objet de discussion avec les parlementaires ».

Un scénario écarté par RTE pour des raisons « industrielles »… mais qui pourrait revenir sur la table Cela signifie-t-il que l’exécutif remet en cause les conclusions de RTE, l’organisme chargé d’équilibrer à tout moment l’offre et la demande d’électricité en France ? Dans son étude de référence baptisée « Futurs énergétiques 2050 », commandée par le gouvernement et publiée fin 2021, l’organisme affirmait, en effet, que même en poussant « au maximum » le rythme de construction des EPR, on ne dépasserait pas 14 de ces installations dans l’Hexagone « à l’horizon 2050 et 2060 ». Un chiffre qui ne constitue « pas une hypothèse », puisqu’il « résulte » de « l’addition des contraintes industrielles portant sur la filière nucléaire » et « non d’une contrainte politique », pouvait-on lire dans l’épais document. Si bien que la puissance installée du parc ne dépasserait pas 50 gigawatts (GW) à cette échéance… contre 61,4 GW aujourd’hui.

Un mur énergétique imminent

Il faut dire que la France fait face à un mur énergétique immense. Et pour cause, le parc actuel, qui fournit au pays près de 65% de son électricité (contre moins de 15% pour l’éolien et le solaire) n’est pas éternel : une partie des centrales arriveront un jour en fin de vie, et rien ne garantit qu’il sera possible de les prolonger encore des décennies, n’en déplaise à l’exécutif. « On a accumulé tellement de retard qu’on fera bientôt face à un important effet falaise [c’est-à-dire de la puissance perdue non remplacée, ndlr]. Quand le premier EPR2 sera raccordé, certaines installations auront entre 57 et 59 ans, si elles n’ont pas fermé avant ! Surtout que, dans les années 1980, ce sont parfois huit réacteurs qui ont démarré en même temps, et devront donc tirer leur révérence au même moment », explique à La Tribune Nicolas Goldberg, senior manager Energie chez Colombus Consulting.

Résultat : selon RTE, l’Hexagone pourra compter au maximum sur 24 GW de centrales historiques en 2050, soit 2,5 fois moins qu’aujourd’hui. Et même là, cela relèverait du « pari », estime le consultant. « Que se passera-t-il si l’Autorité de sûreté nucléaire [ASN] affirme qu’il n’est finalement pas possible de les maintenir en service ? », interroge-t-il. Et gare à ceux qui s’appuieraient sur l’exemple des Etats-Unis, où la durée d’exploitation de certains réacteurs est récemment passée de 60 à 80 ans, pour affirmer le contraire : « les exigences de sûreté y sont bien différentes », rappelle Nicolas Goldberg.

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